Contes Du Pays enchanté
Par Fan (© F.P.)
Contes inspirés de rencontres sur internet
Toute ressemblance avec des personnes réelles n’est pas
fortuite.
L’automate
Elle m'appelle l'homme triste.
Elle me compare à un certain Tristan qui jouerait
indéfiniment sa musique pour une hypothétique Iseult. Elle m'a trouvé chez un
brocanteur. J’étais sale, poussiéreux, mon violon cassé, entre trois minables
clowns qui ne savaient même plus faire rire. Je sortais d'un grenier où j'ai eu
l'impression d'avoir dormi pendant 1000 ans! Je me sentais moche, vagabond, et c'est vrai
que j'étais triste, triste à en mourir. Je n'ai même pas cherché à lui plaire.
Elle m'a pris, a essayé mon mécanisme, mais il y avait si
longtemps que je n'avais joué ma petite mélodie... Un désastre! Elle m'a reposé
et est repartie... je pouvais me rendormir encore pour 1000 ans.
MAIS.....
Elle revient sur ses pas, m'empoigne fortement, demande mon
prix à mon geôlier qui de toute façon se fichait pas mal de moi. Pour lui je
n'étais que de la poussière qui avait une forme parmi d'autres.
Elle m'enfourne dans son panier d’osier, entre un chou blanc
et des pommes. Des odeurs, des bruits, de la lumière... tout m'oblige à
revivre! Moi, si fataliste et si défaitiste Je suis obligé de soulever un
sourcil pour voir ce qui m’arrive. Ma vie n'était-elle donc pas finie?
Elle me pose sur une table toute blanche dans une cuisine
toute bleue. Elle me dépoussière, me rhabille décemment, repeint mes chaussures
et commence mon visage. Un petit grain de beauté par ici, une mèche par-là, mon
sourcil accentué, et moi si proche d'elle, je me regarde dans le bleu de ses
yeux, je me trouve beau. Car dans ce lac où je me mire, dans ces profondeurs bleutées,
je me sens apprécié.
Elle sourit et commence à remonter mon mécanisme. C'est alors
que je me surpasse, je joue pour elle, je ne m’arrête plus. Même si je grince
un peu, car mes vieilles douleurs me font toujours mal… mais je joue ! Elle
applaudit, j'ai gagné!
Entre nous deux, c'est installé un rituel: je ne finis pas ma
pirouette et elle, avec délicatesse, me donne juste l'élan nécessaire pour
l'achever. Je jubile lorsqu'elle s'approche de moi.
MAIS... Elle devient
subitement sérieuse et m'explique alors que ce n'est pas pour ELLE qu’elle m'a acheté
mais pour un de ses amis qui aime et collectionne les petits automates comme
moi. J'aurai un autre compagnon, un clown; décidément ceux-là m'accompagnent aussi bien dans mon obscurité que dans ma
pleine lumière. Je devrai aussi me méfier d'un énorme chat noir, réputé pour
être un" casse pieds" d'automates.
Voici donc une nouvelle vie qui s'annonce pour moi avec
beaucoup de risques. Dommage ! J'aimais bien jouer pour elle, mais elle me
répète que je serai "une belle surprise" pour son ami.
Alors me voici, ami, et je jouerai maintenant ma chanson pour
toi.
.... j'ai entendu dire qu'il y a une dame dans cette
maison... qui sait... mon romantisme va peut-être la séduire à son tour.
Mais comme je
regretterai mon lac si bleu où se reflétait
tout un pays enchanté.
La bohémienne et le lutin
Sur les chemins de la forêt du pays enchanté marchait les cheveux au vent, une bohémienne. Elle
cheminait seule depuis des années, vivant de ses danses, de ses histoires et du tirage de cartes dans les villages qu’elle traversait.
Un soir, épuisée par sa marche, elle s’assit sur une pierre
du chemin et posa sur l’herbe son sac à dos plein de souvenirs, mais surtout d’histoires
merveilleuses récoltées sur les routes du monde entier. Elle retira ses
espadrilles et commença à se masser
vigoureusement les pieds.
Elle aimait la solitude des routes, aucune attache ne la liait,
libre comme le vent elle pouvait accompagner
un bout de chemin les gens qu’elle croisait. Mais parfois, cette solitude lui pesait, et ce soir
là était justement un soir où cette dernière pesait un peu plus que d’ habitude
sur ses épaules.
Tout à coup la bohémienne vit avec stupéfaction son sac à dos
marcher tout seul! Du fait de son amitié avec tous les êtres fabuleux du monde
merveilleux, le mystère ne l’étonna point, elle reprit et souleva son sac à dos d’un geste preste. Dessous, ce
tenait un lutin malicieux tout penaud d’être ainsi à découvert.
-« Lutin, tu exagères de profiter ainsi de ma fatigue pour me
voler mes histoires » dit la bohémienne.
-« Hum ! répondit-il, sois heureuse que cela ne soit que ton
sac à dos, car j’aurai pu tout aussi bien te lutiner. »
-« Je sais, les gens du « petit-peuple » aiment faire des
farces et lutiner les fées, mais je ne suis pas une fée. »
-« Bof ! De toute façon actuellement, je suis plus un lutin
chagrin qu’un lutin coquin. Je sais bien que tu n’es pas une fée mais je sens
que dans ce sac tu enfermes des contes
de fées et j’ai grand besoin d’une fée
pour me remonter le moral».
-« Oh là, lutin voleur que se passe- t- il ? »
-«Regarde-moi, je suis trop petit et très laid, et cela me
rend coléreux, têtu, hargneux … et chagrin. D’ailleurs suis-je encore un lutin
? »
-« Trop petit ? Mais tu es bien plus grand que bon nombre de
lutins que je connais! Laid ? Diantre dans quelle eau te mires-tu pour qu’elle
déforme ainsi ton image? Désolée pour ce que tu penses de toi mais moi je vois,
là, un merveilleux et beau lutin. »
Le lutin se mit alors en colère, trépigna et se mit à bouder.
Il se trouvait petit et laid, un point c’était tout et aucun discours et encore
moins celui d’une bohémienne y changerait quelque chose.
La bohémienne, rechaussa ses espadrilles pris son sac à dos,
se leva et sans mot dire repris sa route.
Derrière elle, le lutin bougonnait tout en lui emboitant le pas. La
bohémienne lui proposa alors plutôt que de marcher en ronchonnant derrière elle,
de l’accompagner un bout de chemin, elle serait ainsi moins seule et lui aussi.
Le lutin accepta, toujours chagrin.
Aussi, quelques heures plus tard, devant la tristesse de son
compagnon de route, elle lui dit :
- « Ecoute, Lutin je connais un pays, au delà des étoiles,
qui possède un étang merveilleux qui reflétera ton vrai visage. »
- « Conduis- moi vers ce pays, bohémienne »
- « le chemin sera long et difficile mais si tu veux savoir qui tu es véritablement, il t’en faudra
payer le prix. »
- « Pffffffffff au point au j’en suis, je n’ai rien à perdre
de précieux, je n’ai que du mauvais en moi. »
La bohémienne ne répondit pas à tant de dénigrement et le
voyage commença difficile et périlleux….Ainsi ils traversèrent un champ plein
de pavots et la demoiselle eut du mal à en sortir ce lutin chagrin qui voulait
dormir à tout jamais au milieu de l’ivresse de ces fleurs rouges, sensuelles et
attirantes. Puis un marécage, boueux, malodorant, immonde et là tout à tour
lutin et bohémienne, faillirent s’y noyer, se portant secours l’un, l’autre.
Ils crurent bien y rester à jamais embourbés. Seules les étoiles dans la nuit,
les guidaient sur la direction à prendre. Enfin, ils arrivèrent sain et sauf
dans une auberge où ils purent se
reposer. Lutin pendant ce voyage avait
appris le sens du mot amitié. Amitié qui peut être pour une minute, un jour,
une année, toute une vie, peu importe, le temps n’apportant rien au moment d’amitié. Le Lutin
au sortir de cette auberge était « tout chose ». Lui qui ne pensait qu’à
lutiner, papillonner, taquiner, comme tout bon lutin qui se respecte sans se
soucier de rien, avait appris l’amitié, et cela était chose sérieuse.
Enfin un soir ils arrivèrent tous deux en haut d’une montagne
escarpée, et là à quelques pas on pouvait apercevoir le portique d’une ancienne
vieille porte, donnant droit sur l’infini du ciel. La bohémienne dit alors au lutin
:
- « Voilà lutin, ici s’arrête notre cheminement. Tu va
franchir cette porte qui te conduira aux étoiles, mais seul, sans moi. Trouve
cet étang, regarde enfin ton vrai visage, celui qui te permettra de découvrir
le secret de l’amour. »
-« Bohémienne, je sais que tu ne peux m’accompagner mais reçois en cadeau mon amitié
»
-« Merci, Lutin mais file, va vite …va regarder enfin ton
vrai visage »
Et Lutin de disparaître au delà de la porte des étoiles.
Il découvrit l’étang qui lui apprit à s’aimer et en s’aimant,
il commença à aimer tout ce qui se reflétait dans l’étang.
L’étang s’appelle
l’étang de la VIE.
Plus tard, Lutin avec
son vrai visage, n’a pas oublié la bohémienne, puisque parfois au détour d’un chemin, ils continuent leur
moment amitié, une minute, une heure, une vie, allez savoir ?
Et pendant leur rencontre le Sac à dos, peut enfin se reposer
en paix sur le thym sauvage s’en risque d’être volé, par un lutin coquin.
LE TROLL
Un affreux Troll du film « le Seigneur des Anneaux » réussit
à s’échapper du carnage des trolls dans le « retour du Roi ».
Ce « saigneur de guerre » se retrouva par on ne sait quelle
magie dans le pays enchanté. Dans ce pays, « au delà des étoiles », se trouvent
souvent
des égarés des autres histoires.
Comme tous les trolls il avait été fait en série dans les souterrains
du Mordor. Il parlait comme un troll, agissait comme un troll, vivait comme un
troll et fichait panique et bagarre là il où il posait ses gros pieds, comme un
troll. Bref un vrai troll de la tête aux pieds.
Celui-ci, égaré dans
le pays enchanté, se promenait en toute liberté sur les chemins de sa forêt profonde. Mais quels
dégâts faisait-il à chaque pas, sans le vouloir vraiment ? Écrasant lutins,
elfes, nains, ondines, sylphides, sirènes et autres personnages de notre conte.
Au fond notre troll avait un cœur mais la «fonderie-nursery »
où il était né ne lui avait pas dit comment s’en servir. La seule chose qu’il
connaissait c’était :
-«Sus en avant ! »
-« Fonce et écrase !»
-« Ne te pose pas de question car tu as raison »
-« Pas de pitié, l’autre a forcément tort »
-« C’est toi ou l’autre alors mieux vaut que cela soit
l’autre »
-« Un bon ennemi est un ennemi mort »
Etc. …etc.…etc…
Ce Troll avait toute une bible de maximes qui l’empêchait ainsi
de perdre du temps à penser. Pratique et facile pour lui d’avancer en écrasant tout ce qui bouge,
sans se poser de question. Il était ainsi sûr de rester le seul survivant de ce
pays inconnu. Quand il parlait, il disait « NOUS », car tous les trolls étaient
ainsi, tous identiques. Tous fondus dans le même moule avec la même pensée apprise,
par le Sorcier Saroumane via les caporaux « mille y terre ». Il semblait quand
même surpris et interloqué d’être dans ce monde si disparate du pays enchanté. Au
moins dans le «Seigneur des Anneaux » c’était facile, d’un côté les gentils et
de l’autre les méchants. Mais là ?????????
Un trouble semblait l’envahir. Il ne discernait plus très
bien qui il fallait écraser, vu que les sujets du roi de ce pays, avaient tous des
cœurs qui battaient, mais pas du tout à l’unisson. Quelle cacophonie ! De plus,
tous les sujets de ce roi disait « Je ». Et un « je » pouvait aimer et détester,
faire le mal ou le bien dans le même instant, jamais vu cela chez les « nous »
à la pensée unique.. Sa bible ne lui servait plus à rien. Ses chefs ne lui
avaient jamais appris à choisir. A quoi, a qui donc se raccrocher ? Il lui
semblait être dans un monde complètement FOU.
Un jour, seul, désespéré de ne pas comprendre ce monde où il s’était égaré… Il
s’assit, dans un bois sombre près d’un étang marécageux. Il aimait les odeurs
nauséabondes, cela lui rappelait le pays du Mordor et la guerre. Là une douce
mélodie lui fit tendre l’oreille. On a beau être un troll on n’en aime pas
moins la musique. Aimer ???? Mais c’est un mot qui vient du cœur ! Oh là !
Notre troll ne serait-il pas là en train de s’attendrir ? De petites larmes
coulèrent le long de sa face, elles creusèrent un sillon dans sa dure carapace.
Un froissement léger et la musique douce fut très près de lui. Et là, il vit, ô
merveille, une « Dame Blanche ». C'était une fée des bois et des marais …. Belle,
vaporeuse, fluide dans sa longue robe blanche avec ces cheveux blancs tombant
en douces ondulations jusqu’au sol. Dans ses longs doigts blancs une flûte de
roseau toute simple. Elle parla avec douceur :
-« Je m’appelle Sashami et je suis la Dame de ces lieux. »
La flûte ne jouant plus le troll retrouva sa brutalité
apprise, « tue-la » lui hurlait sa tête. D’un bond et dans un horrible
grognement il se leva prêt à bondir…mais la flûte repris doucement sa mélopée.
Hébétée, il sentit un drôle de mouvement dans sa poitrine, ça bougeait. Que se passait-
il donc ? QUI l’habitait ? Il posa sa main sur sa poitrine, là où ça bougeait. Impossible
de tuer cette intruse palpitante sans se tuer lui même. Son battement de cœur
et elle étaient liés. La dame Blanche continua alors :
-« Je suis devenue « Dame Blanche » après ma triste mort dans
un marais, à cause d’un pêcheur qui m’avait séduite avec sa flute. Veux-tu que
je te raconte mon histoire ?
-« Oui »dit le troll dans un souffle tant sa poitrine lui
faisait mal et que sa tête se vidait.
Sashimi, raconta sa belle mais si brève histoire d’amour au
pays des « kamis ». D’ailleurs un Kami, génie du marais, avait après la mort de
la jeune fille transformé cette dernière en Dame-Blanche. Elle errait depuis
dans les bois du pays enchanté. Il faut vous dire que dans ce pays, au-delà de
la porte des étoiles, tous les imaginaires du monde, tous les contes et
légendes se retrouvent, sans distinction. Et Sashami avait les yeux en forme
d'amande, très allongés…
L’histoire finie, le troll pleurait toutes les larmes de son
corps retenues depuis sa naissance. Son cœur battait fort et il dit :
-« Que c’est beau, comme J’ai aimé ».
Le troll, fut surpris de s’entendre. Sa voix était devenue douce
et ce mot inconnu de lui, ce « JE » donnait une saveur si agréable à
sa bouche qu’il se mit à le répéter insatiablement : « je, je, je, je, je, je,
je, JE…… »
La Dame Blanche attendit la fin de cette jubilation, et lui
tendit la flûte de roseau.
-« Prends- la, elle charmera les cœurs et le tien en premier.
Tu en auras besoin chaque fois que tu sentiras monter en toi la violence, la
rage et aussi ces vilaines phrases que tu as apprises par cœur.
Joues-en quelques notes et le calme reviendra en toi. Mais
n’abuse pas du charme de cette flûte comme le pécheur l’a fait avec moi, jouer
avec le cœur des autres est aussi mauvais que de l’ignorer. En toute chose,
juste mesure. »
La Dame Blanche se pencha et embrassa délicatement la bouche
du Troll et disparut dans les vapeurs du marais. Le Troll se releva, hébété
mais le cœur heureux, impression toute nouvelle pour lui. En marchant il
faisait, maintenant, attention à ne pas écraser les minuscules bestioles de la
forêt et le petit peuple.
D’ailleurs quelque chose avait dû changer dans le troll car avant,
tous les animaux et êtres surnaturels fuyaient devant lui, maintenant ils
marchaient à ses cotés. Lui, le troll honni avait enfin des amis, dans ce monde
fou, fou, fou. Il serrait sa flûte sur son cœur nouveau et jamais il ne la perdra.
Vous qui m’écoutez, si
vous passez par ce bois et ce marécage regardez bien, car un léger
ruisseau au doux bruit y coule
maintenant. Vous l’avez deviné, ce sont les larmes du troll et qui boit de cette
eau devient un «cœur écoutant ».
L'Aventurier du rire perdu
Il était une fois, dans la très haute tour du château du pays
enchanté, un roi sans divertissement qui
se mourrait d’ennui.
Les rires de ses sujets montaient jusqu’à lui et le
renvoyaient à son terrible manque du rire. Mais la morosité, comme le rire, est
communicative et le pouvoir de l’ennui devint le plus fort. Peu à peu les rires
puis les sourires s’éteignirent dans le royaume. Les grincements de dents
commencèrent. Les disputes se disputèrent entres elles. Bref, plus rien n’allait
très bien dans le royaume du pays enchanté.
Le brave ministre du roi ne savait plus quoi faire devant ce
souverain qui se ratatinait entre sa couronne et ses chausses. Le royaume se
ternissait de plus en plus et virait au noir. Une seule solution pour ce
ministre, partir de part le monde afin de retrouver le secret du sourire et du rire.
Le brave ministre partit donc et posait cette question dans
toutes les contrées traversées :
-« Où se trouve l’éclat de rire perdu ? »
Mais personne ne
savait lui répondre.
Un jour on lui parla
d’un lointain « château du sourire ». Le cœur emplit d’espoirs, il traversa les
mers, les terres désertiques, les océans, les montagnes enneigées, les rivières,
les champs et les bois … Quand enfin il aperçu un château qui semblait
accueillant à tous les errants et égarés du monde.
La porte était ouverte comme un grand rire, le ministre
entra. A l’intérieur, du plafond au sol, y compris meubles, plantes et animaux,
tout semblait être ouvert comme un sourire. Comme une invitation pour aller
au-delà, toujours plus loin dans ce château. Parfois un éclat de rire fusait,
léger, frais, cristallin, aérien. Bref, tout le château semblait n’être que
sourires et doux rires.
Enfin la ministre arriva dans la salle du trône où siégeaient
le roi et la reine. Il s’inclina devant eux et fit sa requête.
Le roi l’écouta en souriant et lui donna le coffret que sa femme tenait sur ses genoux,
en disant :
-« Va, porte ce coffret à ton roi, dedans est le secret du
sourire qui ouvre au rire. »
Vite, notre brave ministre retraversa les bois, les forêts,
les champs, les montagnes, les mers, les déserts et les océans, le coffret
serré contre lui. Vite il monta quatre à quatre les escaliers en colimaçon de
la haute tour et essoufflé il remit à son triste souverain le précieux coffret.
Le roi l’ouvrit. A l’intérieur, deux simples mots sur un
papier. Le ministre vit les yeux du roi s’écarquiller en lisant le papier, puis
les traits de son visage se détendirent et le roi partit d’un franc éclat de
rire ce qui fit redresser tout son pauvre corps avachi. Il lâcha le papier et
courut comme un fou dans l’escalier de la tour, porter cet éclat de rire à tout
son royaume.
Le ministre intrigué, se pencha, ramassa le bout de papier et
lut :
« BONJOUR TOI ! »
Il répéta à l’intérieur de lui « bonjour toi ! » et une fois
de plus le miracle s’accomplit.
La petite licorne
Un jour la bohémienne se promenait dans la forêt aux mille fleurs.
Elle arpentait un délicieux sous-bois ombragé quand soudain, quelque chose l’intrigua
? Une chose minuscule semblait gigoter en tout sens :
Ça cabriolait,
Ça caracolait,
Ça gambadait,
Ça sautait en tout sens,
Ça bondissait et rebondissait,
Ça revenait, repartait, revenait,
Ça riait puis pleurait puis riait,
Ça faisait du bruit puis se taisait,
Ça ruait, se couchait, se tapissait,
Ça chantait, puis criait, puis ça ronronnait.
Bref, pour la bohémienne cet être semblait emprisonné dans un
espace clos, mais elle avait beau regarder, rien, pas de barreau, pas de filet,
pas de cage, ni de cloche de verre. Le mystère était grand, aussi elle
s’approcha plus près, toujours plus près et vit que c’était une jeune licorne
blanche, pas plus haute que trois pommes. Et cette licorne semblait emprisonnée
dans un espace libre? Est-cela que l’on appelle un paradoxe ?
La bohémienne s’approcha doucement et s’assit près de
l’endroit où s’agitait en tout sens cette minuscule licorne. La petite bête
s’arrêta net et corne en avant fit volte face à la vagabonde des bois. Mon dieu
qu’elle était belle avec sa robe blanche,
ses petits pieds noirs et sa corne torsadée ivoire, pointée courageusement vers
l’avant, prête à se défendre. Deux grands yeux clairs et bleus, brillants de
mille feux étoilés, observaient attentivement la gitane.
-« Que fais-tu là ? » dit la bohémienne.
-« Et bien tu ne vois pas? JE VIS peuchère, répondit la
licorne. »
-« Tu appelles cela vivre, que de gesticuler ainsi dans un
espace aussi réduit ? »
-«…euh !... Je ne connais que celui-ci… Et puis il m’est
impossible d’aller au delà. Et…de plus… j’ai …peur, je suis si petite »
-« Que me racontes-tu là ? La forêt n’est pas si dangereuse
et pourquoi es-tu si petite ? »
-« Une malédiction pèse sur moi depuis ma petite enfance. Un
horrible vieux magicien m’a transformée ainsi et enfermée à tout jamais dans
cette prison invisible, je ne peux pas lui échapper. »
-« !!!! »
-« Et cet espace est si petit, que je n’ai pas pu grandir et
devenir comme ces belles licornes que tu peux voir courir dans la forêt aux mille
fleurs. »
La bohémienne réfléchit et dit :
-« J’ai peut-être un moyen, pour te faire sortir d’ici.
Attend, j’ai ce qu’ il te faut dans mon sac à dos ! Ah ! La voici ! J’ai
retrouvé cette plume d’oiseau que j’ai ramassée près du lac des Amants, au-delà
de la Porte des Étoiles. »
Et la bohémienne, délicatement de poser cette plume sur la
frontière invisible du monde de la licorne et du monde de la grande forêt. La
plume était posée très légèrement et formait comme un pont entre les deux
mondes. La gitane tendit la main vers la licorne et lui dit :
-« Viens, avance…. »
-« Non, je ne pourrais pas »
-« Si, avance ! Cette plume est magique …Tu ne risques rien.
»
Alors, avec beaucoup d’appréhension et d’hésitation la
licorne posa un pied sur la plume, puis deux. Elle se hissa dessus avec ses
quatre pattes et commença à
traverser. Mais au fur et à mesure qu’elle passait de l’autre
côté, son corps de Licorne se métamorphosait. En effet ce qui apparaissait sur
la plume du côté de la forêt, c’était un pied délicat de jeune femme puis une poitrine,
des bras, un visage et enfin tout le corps d’une merveilleuse jeune fille en
robe couleur du soleil. La petite Licorne était devenue une belle jeune
femme comme l’aurore qui vient de
naître.
Un bruit léger vint de la forêt, et une majestueuse et
impétueuse licorne adulte fonça vers la jeune fille, s’arrêta devant et enfouit
son visage de jument sur la poitrine de la belle jeune fille à la robe jaune.
Cette dernière riait, virevoltait, chantait, elle vivait enfin …..Autour d’elle
la Licorne du bois gambadait. Merveilleux spectacle que celui là!
La bohémienne doucement ramassa la plume restée au sol et la
tendit vers la jeune fille :
-« Tiens, lui dit-elle, garde là bien, car chaque fois que tu
te sentiras prisonnière ou enfermée, ne serait-ce qu’en toi -même, prends-là et
utilise cette plume, comme un passage, un pont, tout comme je viens de le faire
pour toi. Adieu, jolie demoiselle !»
La jeune fille souriante leva la main en signe d’au revoir.
De temps en temps, la bohémienne regarde certains arbres qu’affectionnent
les Licornes et souvent elle trouve, accroché à une branche basse, un billet de
la jeune fille, et dessus un poème…
Un poème comme un pont entre deux mondes.
La flamboyante et le miroir magique
Dans la forêt enchantée, une louve y musardait souvent
s’amusant avec les êtres féeriques qu’elle y rencontrait. Un matin d’automne,
elle y rencontra une superbe femme, belle comme l’automne, elle s’appelait «
Flamboyante» certainement à cause de son abondante chevelure rousse. Elle riait
toujours, son rire était cristallin, fort, clair, expansif, communicatif… Sa
robe verte virevoltait et tournicotait sans cesse car elle dansait sa vie,
entraînant dans une vaste farandole toutes les créatures de la forêt enchantée.
Bref, une vraie tornade, cette Flamboyante ! Une bourrasque de rires, de joie
et de gaieté. La louve fit comme les autres habitants de la forêt, elle
s’attacha aux pas de la belle « Flamboyante». Sa vitalité la séduisait et elles
devinrent assez vite inséparables.
Quand la louve de nature plus sauvage et plus tranquille
avait besoin de calme, elle s’éloignait pour se reposer avant de reprendre sa
course auprès de sa nouvelle amie.
La louve appris par un poète que ceux qui parlent trop du
bonheur ont souvent le cœur triste, était-ce le cas pour Flamboyante car tout semblait pour
elle sujet à rires et à plaisanteries. Une pluie de gouttelettes de bonheur et
Louve finalement n’en demandait pas plus, et n’écouta plus ses doutes. Les
chemins de la forêt enchantée sont si divers et les êtres qui les empruntent si
étonnants.
Un jour, lors d’une escapade folle à suivre un beau papillon bleu,
elles s’approchèrent près des marais de cette forêt. Elles étaient pour la
première fois en désaccord, ce qui arrivent parfois entre amies, et ruminaient
chacune de leur côté leurs griefs. Leurs regards furent soudain attirés par un
objet rutilant, caché dans les herbes. La Louve de son mufle dégagea les herbes
et découvrit un miroir à manche d’ivoire sur lequel était écrit en lettre
gothiques « Illusions ». Elle flaira un miroir magique, laissé là soit par une fée,
soit par une sorcière.». Bénéfique ? Maléfique ? Allez savoir ? Peut-être les
deux suivant son utilisation comme tant de choses en ce monde?
Louve voulu en avoir le cœur net et s’y regarda. HORREUR ! La
Louve recula épouvanté, car elle y vit une louve, laide, malade, vieille,
idiote, dépoilée. Elle recula déconcertée car elle ne s’y reconnaissait pas,
mais quelle était donc la magie de ce miroir ? Elle osa un second regard pour
vérifier si ses sens ne l’avaient pas trompée, mais à ce moment elle sentit ses
flancs être criblés de flèches et s’effondra dans l’herbe des marais, blessée.
La dame Flamboyante abasourdie devant ce spectacle, pris à
son tour le miroir et s’y regarda. Et là envoûtée par ce qu’elle y voyait, elle ne sentit pas son corps se pétrifier peu
à peu. Son rire se figea. Ses yeux perdirent leur éclat. La Flamboyante était
devenue une magnifique statue de PIERRE. Le miroir retomba au sol, parmi les
herbes. Louve comprit alors, mais trop tard, la magie du miroir. Il ne
reflétait pas l’image de la personne qui s’y regardait, mais l’image que
l’autre présent en ce lieu se faisait d’elle dans le même instant. Et cette
image pouvait se réaliser, à qui n’y prenait garde. Et justement, Louve pensait depuis un moment
que son amie si riante avait quelque fois un cœur dur comme de la pierre. Et
que certainement la « Flamboyante »
avait pensé vouloir la blesser, vu leur désaccord. Louve réunit ses dernières forces,
se releva péniblement afin de quitter ces lieux maudits.
Elle s’enfuit dans la forêt enchantée. Elle haletait et
souffrait de ses blessures. Elle tomba épuisée au pied de la bohémienne qui
habitait ces lieux. La femme la prit
délicatement dans ses bras, et l’emmena dans sa cabane au cœur de la forêt. A
force de tisanes et de cataplasmes d’herbes et de plantes, elle remit Louve sur
pied.
Mais la louve voulait
savoir ce qu’était devenue la Flamboyante ? Et pourquoi leur amitié n’avait pas
réussi à surmonter ce maléfice ? Pour la première question la bohémienne lui
répondit :
-« Ne t’inquiète plus, pendant que tu te guérissais je suis
allée aux marais chaque jour et voici ce que j’y ai vu : Un jeune écureuil
volant de branche en branche s’est approché, intrigué de la belle statue de
pierre. Elle est si belle, il s’est installé devant et la regardé longuement
…des jours, des semaines…des mois…Il était comme hypnotisé, aimanté par la
statue. Et la statue le regardait, il était si craquant avec sa magnifique
queue rousse et ces yeux si aimants. Il était couleur d’automne, lui aussi, roux
et flamboyant.
Un beau matin, grâce à un rayon de soleil printanier vagabond,
l’écureuil vit le miroir briller dans l’herbe….il le pris et regarda …. BONTÉ DIVINE
! Il ne se savait pas aussi beau, magnifique et alors devant ce merveilleux portrait
de lui même il voulut le montrer à sa belle statue de pierre et approcha d’elle
le miroir. La statue se vit alors, belle, aimable, douce, compatissante, et
avec toutes les plus belles qualités du monde … Elle sentit peu à peu son corps
se réchauffer, palpiter, reprendre vie et couleur, ses yeux se mirent à
pétiller de lumière et sa bouche à sourire. Elle était redevenue la Flamboyante
que la forêt enchantée connaissait et aimait, le cœur en plus. L’amour de
l’écureuil pour elle, lui avait redonné vie. Dame Flamboyante se balade
maintenant en riant, chantant et dansant avec un écureuil tout aussi flamboyant
qu’elle, perché sur son épaule. »
Pour sa seconde question, Louve avait maintenant compris la
réponse.
Vous qui vous promenez dans cette forêt, si vous trouvez ce miroir,
méfiez-vous avant de vous y contempler de scruter d’abord les sentiments que vous
éprouvez pour ceux qui vous accompagnent.
Pour un malheureux moment de rancœur, une blessure ou une
pétrification peut s’installer durablement par le miroir des projections.
La Bohémienne et l’Elfe
La bohémienne d’un pied alerte parcourait les mille et un chemins de la forêt enchantée.
Par un superbe après-midi, sous un doux soleil qui batifolait avec les nuages, la
bohémienne eut soudain envie de se coucher dans l’herbe et de laisser son corps
se faire lutiner par des rayons aussi chaleureux. Bohémienne aimait la nature,
elle apprenait beaucoup d’elle. Elle était comme un professeur et une mère pour
elle.
Elle choisit de mettre sa tête à l’ombre d’une énorme souche déracinée.
Il faut dire que la forêt qu’elle
traversait avait été dévastée, dans le passé, par une terrible tornade. Sous
les caresses appuyées du soleil, et de celles légères et passantes du vent, la
demoiselle ferma les yeux se laissant glisser dans la volupté, bercée par la
musique des bruits furtifs du petit monde de la forêt.
Tout à coup, elle ressentit un léger frôlement sur son
visage… Un insecte? Un papillon? De sa
main, sans ouvrir les yeux, elle tenta de chasser cet inopportun. Mais, le
frôlement recommença encore et encore… Bohémienne, agacée, ouvrit enfin les
yeux et vit un drôle d’insecte volant, lumineux, qui voletait au dessus de son
corps. Ce n’était pas un papillon, ni aucun autre insecte connu. Cet être
volant et diaphane, se posa alors sur la souche et se mit à grandir lentement
et se transforma en un beau jeune homme blond, grand, aux yeux très bleus, à la
peau très pâle, mais aux oreilles très, très, très pointues. Bohémienne était en
face d’un Elfe blanc. Plus rien n’étonnait maintenant la bohémienne, elle
rencontrait tant d’êtres bizarres sur les routes et les mers du pays enchanté.
-« Serais-tu un elfe coquin pour ainsi me butiner le corps »,
lui demande-t-elle
-« Non, mais je te suis depuis un moment, tu me plais
beaucoup comme mortelle »
-« Ah! Oui, mais t’es-tu posé la question, si à moi cela me
plaît que l’on me suive ainsi ? »
-« Il m’importe peu que tu le veuilles ou pas. »
-« Au moins, tu ne manque pas de toupet ?»
-« C’est tout ce qu’il me reste. »
-« Ce qu’il te reste ? »
-« Oui, j’ai été chassé de chez mon peuple, car mes flèches
ne sont plus capables d’atteindre leur but. Lamentable échec chaque fois que je
vise. Un elfe qui ne sait plus viser et tirer sans réussir n’a plus sa place
chez les elfes. »
-« Mais, elfe, serais-tu amer ?»
-« Oui, et aussi très triste, je ne me sens plus capable de
vivre comme un elfe puisque j’ai perdu ma légèreté et mon adresse au tir. Aussi
quand je t’ai vu passer sur ce chemin, chantante et le pied alerte j’ai voulu
te prendre ta légèreté et ton insouciance. »
-« Elfe maraudeur, et alors tu vas continuer longtemps à
vivre de rapines ? En moi tu ne retrouveras pas ton adresse au tir à l’arc. Seul
l’elfe que tu es la connaît. »
-« Je sais, je sais bien cela, mais je n’ai plus de courage,
je suis fichu …Alors oui je maraude pour survivre »
-« Est ce ton peuple qui t’a chassé ou toi qui es parti honteux,
pensant que les tiens te reniaient ? »
-« Peu importe, le résultat est le même, je ne suis plus bon à
rien. »
La bohémienne se leva, défroissa ses jupons et par son
sourire engagea l’elfe blanc à la suivre. Tous deux cheminèrent au travers de
cette forêt et arrivèrent devant un spectacle de désolation. Sur une bonne
surface, des arbres beaux et forts étaient couchés sur le sol, vaincus par le
vent. Sauf un petit arbre, à l’aspect chétif, près d’une énorme pierre, se
dressait encore vers le ciel. Bohémienne conduisit l’elfe maraudeur près de cet
arbre rachitique et lui désigna de la main.
-« ????????? » interrogea du regard l’elfe maraudeur
-« Regarde, la graine de cet arbre est tombée dans une
mauvaise terre, dit la bohémienne. Elle pouvait choisir de se laisser aller à
cette adversité et se laisser mourir doucement... Mais non, elle persista dans
son devenir d’arbre. Elle se fit donc racines encore plus profondes, se
cramponnant d’ailleurs à son adversaire, cet énorme rocher qui gênait son
expansion. Le manque d’eau, la caillasse, la pierre profonde, tout contribuait
à son échec d’être un bel arbre. Les autres arbres, ses frères, plus beaux et
plus majestueux ayant eu une enfance plus facile se moquaient de lui si
malingre. Mais quand la tempête vint, le petit arbre par ses racines profondes
résista aux forces du vent, mais pas ses frères. Tu vois, lui seul est resté
debout. L’épreuve ne devrait pas nous
abattre mais au contraire nous rendre
plus fort»
Bohémienne se tut et Elfe regarda, méditatif et admiratif le
petit arbre têtu. En silence, il prit dans son carquois une de ses plus belles
flèches, regarda le ciel, banda son arc et tira. La flèche siffla dans l’air,
s’éleva très haut et se planta en plein cœur d’un petit nuage qui passait, déversant
alors sur le petit arbre son eau bénéfique.
-« J’ai réussi, dit l’elfe maraudeur, je peux maintenant
quitter ce lieu et rejoindre mes frères. Au revoir bohémienne, je ne te volerai
plus rien, je viens de récupérer mon bien.
Et l’elfe de se transformer en ce tout petit être aérien,
lumineux, et partir dans un battement d’aile rejoindre son peuple de l’air. Bohémienne
reprit alors son sac à dos et sa marche sur les chemins de terre de la forêt
enchantée. Mais au sol elle vit briller un objet. C’était la flèche de l’elfe
maraudeur. Elle sourit et mit ce souvenir dans son sac à dos.
D’ailleurs depuis ce jour, sur sa route, de temps en temps
l’elfe maraudeur se manifeste à elle, en laissant ses flèches de réussite
briller dans l’herbe fine.
LIANE, la blanche biche
On
entendait parfois dans la forêt enchantée détaler dans une folle course, une
biche aux abois… une biche pas comme les autres, car son pelage était d’un blanc immaculé. Elle courait poursuivie par
des chasseurs avides de posséder sa peau d’albâtre. Une vraie chasse à coure,
avec aboiements de chiens, son du cor et hurlements des rabatteurs. La forêt enchantée
en frémissait de honte et de peur.
Elle fuyait comme une éperdue, pas seulement devant les
chasseurs mais aussi devant son don qui faisait que lorsqu’elle s’arrêtait et
posait son regard sur une chose ou un être, elle voyait depuis le début des
temps ce qui avait constitué cette chose ou cet être. Et un regard qui voit
sans cesse le passé d’une pierre, d’un humain, d’un pays, ou de tout autre chose,
donnait vite le vertige et envie de vomir. Trop lourd à porter, le monde,
depuis ces origines pour une biche, même enchantée.
Alors, elle courait pour fuir les chasseurs et aussi son
regard sur le monde. Enchantée, vous-ai-je dit ? Oui, la nuit, elle devenait une belle et longue
jeune femme brune aux yeux verts de velours et langoureux. Mais aussitôt
métamorphosée, elle montait vite dans une haute tour cachée dans la forêt, et s’y barricadait, la peur restant en elle,
les cris des chasseurs encore dans ses oreilles.
Les êtres féeriques de
la forêt enchantée l’appelaient « Liane » car quand Blanche-Biche rencontrait
des lianes, elle aimait jouer avec, une passion ce jeu chez elle, si bien
qu’elle en oubliait le danger. Les lianes descendaient du sommet des arbres, le
vent jouait avec, les faisait danser aux quatre points cardinaux. Certaines
s’emmêlaient les unes les autres dans un fouillis inextricable. D’autres en
retombant sur le sol y prenaient racine, et ainsi finissait pour elles la danse
de la « Rose des Vents ».
Toute liane doit son existence à une plante mère. Cette
plante a la tige flexible et ne peut donc se soutenir elle même. Alors elle grimpe,
s’enroule, s’accroche, s’emberlificote, se pelote, s’envide, s’embobine se
déroule, au tronc puis aux branches d’un arbre en causant parfois sa mort par étouffement.
Revenons à notre histoire.
La forêt enchanteresse
était bordée par l’océan, et un jour haletante de trop courir « Liane » arriva sur la plage. Au loin sur la
mer des bruits violents se firent entendre. Des détonations, des déflagrations,
des cliquetis de ferraille, des clameurs, des cris violents emplissaient le
ciel. Liane regarda au loin et ce qu’elle vit la stupéfia. Deux galions se
sabordaient. Un duel en plein océan entre deux géants de la mer. Mais ce qui
l’ahurissait le plus, c’est que pour la première fois de sa vie elle voyait cet
affrontement dans l’instant, sans images floues du passé pour venir brouiller
le présent de la bataille. Dans les flammes, les explosions et la fumée elle
vit les deux bateaux sombrer lentement dans la mer. Elle resta jusqu’ à ce que
la mer ait fini d’engloutir ses proies. Lorsque la surface de l’eau fut
redevenue lisse et calme, la nuit commença à descendre et Liane de se transformer
en Dame Brune.
Elle regagna donc sa haute tour, attristée par le sort des
marins, perdus en mer à tout jamais. Mais elle n’arrivait pas à dormir, attirée
malgré elle vers cette plage. Et s’il y avait un survivant ? Elle surmonta alors sa peur et descendit de
son donjon, Elle couru, comme aimantée, vers le rivage.
Et là elle le vit. Il était là, couché, inerte, ruisselant
d’eau et de sang, sur le sable. L’habit qu’il portait, noirci par la poudre et déchiré par le sabre,
indiquait sa haute lignée. Cet homme là était Prince assurément et Capitaine
certainement. Liane ne voyait que lui, ses brouillages parasites avaient
disparu, alors n’écoutant que son cœur elle le traîna difficilement vers la
tour et le hissa encore plus difficilement vers le haut de ce fichu escalier
qui n’en finissait pas de tourner. Enfin, voici sa chambre …Essoufflée elle le
tira enfin sur son lit. Puis, après lui avoir retiré ses vêtements, elle courut
chercher de l’eau et des serviettes. Avec patience, douceur et aussi avec un
sentiment neuf en elle (étais-ce de
l’amour ?) elle lava et soigna les blessures de l’homme évanoui. Il gémit sous
les douleurs des plaies vives mais la fièvre l’empêchait d’avoir conscience.
Une araignée magique qui regardait ce spectacle du plafond,
savait que si ce prince embrassait la Biche sur la bouche, la vieille
malédiction disparaîtrait et la Demoiselle restera enfin femme et n’aurait plus
ses visions des passés obsédants. Ce prince charmant le fera-t-il ?
Pour le moment ce
capitaine était bien amoché. Les jours passèrent et notre prince se remit peu à
peu de ses déboires, et très vite il tomba amoureux de son infirmière. Belle,
intelligente mais magnifiquement mystérieuse. Mais quel secret cachait-elle pour disparaître ainsi le jour et ne revenir
que la nuit tombée. Parfois c’est elle qui saignait, blessée par on ne sait
quelle ronce ou mordu par on ne sait quel chien. Et l’homme de la soigner au
milieu de mille caresses de tendresse. Un jour il se sentit capable de
descendre ce long escalier et se retrouva en plein jour au milieu d’une clairière
ou une biche blanche sommeillait sous la douceur du soleil. Doucement il
s’approcha, voulant voir de plus près ce
prodige, une biche blanche dont seuls les contes de son pays parlaient. Mais là
sur le pelage blanc il vit la blessure terrible qu’il avait soignée la nuit
dernière. Cette biche était sans coup férir sa bien-aimée. Alors toujours sans
la réveiller il se pencha sur son corps et sur la bouche humide de Liane, il déposa
un doux baiser.
Une lumière étrange auréola le corps de la biche et en plein
jour, la biche se métamorphosa en cette longue dame brune qu’il aimait tant.
Quelque jour plus tard, après avoir ensemble construit de
leurs mains une embarcation, ils partirent tous deux sur l’océan vers l’île de
« Toujours-Toujours ».
Depuis, une petite araignée tisse inlassablement sa toile, là
haut …dans la chambre de la longue dame brune. Ce qu’elle tisse, nul ne le
sait, même pas elle-même, mais elle tisse.
La souris au rubis
Un sage bouddhiste, qui marchait d’un pas conscient dans la
forêt enchantée de l’île de « Toujours-Toujours », vit un jour une drôle de petite
bête ? Cela ressemblait à une souris mais cette souris avait au milieu du front
une pierre précieuse, un rubis. Et ce rubis d’un beau rouge foncé semblait jouer
avec les rayons taquins du soleil.
Le moine fut un peu déconcerté car d’habitude ce sont les
dragons et les femmes vipères que l’on appelle Vouivre qui ont cette
escarboucle au front. Mais là c’était une souris ? De plus cette souris
mue par un drôle de ressort se mettait a sauter, gambader, bondir et sautiller
…..Elle semblait ivre de joie et de vie. Et chaque fois qu’elle rencontrait un
nouvel habitant de l’île elle le saluait avec une allégresse pétillante..
Ensuite elle le croquait avec humour et malice dans son carnet de dessins.
Quelle collection elle avait maintenant des habitants de cette île enchantée.
Un pur plaisir de voir cette petite bestiole sauter plus haut que les herbes,
avec fusain et carnet en pattes.
Puis tout a coup, elle s’arrêtait, se figeait et vite
trottinait vers un fourré ou un amas de feuilles et se terrait un petit moment
comme pour reprendre force et vie. En s’approchant de son abri, le vieux moine la
vit tremblante et haletante. De petites larmes coulaient de ses yeux subitement
tristes. Le moine doucement l’interrogea :
-« Que se passe-il ? »
-« Je ne sais pas répondit la petite souris, j’ai envie de
rire, de danser et de chanter ma vie en y mêlant celles de ceux que j’aime,
puis tout à coup je ressens comme un grand vide en moi . Oui c’est cela, je suis
vidée et là j’ai peur de tout et même de moi. Je ne suis qu’une toute petite
souris pas plus grande qu’une puce, et en plus je suis une souris ratée, pas
tout à fait comme les autres …. »
–« Hum ! Cela tu n’en sais rien dit le sage errant, tu as dû
toi aussi écouter toutes les malédictions des sorciers et sorcières rencontrés
sur ton chemin depuis ta tendre enfance. Par contre, non je ne te vois pas
comme les autres souris. »
-« Ah ! Tu vois bien que je suis différente ! »
- « Bien sûr que tu es différente, de toute façon nous sommes
tous différents mais toi, tu as quelque chose de plus …. »
-« De plus ! Es-tu sûr vieux sage, pas en moins ? »
-« Non, en plus …Tu as sur ton front une pierre que les
brigands de ces bois t’envieraient s’ils en avaient connaissance ».
-« Qu’est ce que j’ai sur mon front ? »
-« Un rubis »
-« Un quoi ? »
-« Un rubis, une très belle pierre précieuse rouge, couleur
du sang, couleur de la force et son rayonnement est tel qu’un charbon
incandescent dans les ténèbres »
-« Mais je n’ai rien, sur mon front, je ne suis qu’une vilaine
petite souris sans importance, qui dés qu’elle pointe son museau dehors se fait
attaquer par de vilaines taupes. De plus si je m’approche d’un « Bolet-Satan »
je deviens une ridicule souris toute rouge. En fait si je ne suis pas agressée,
ou malade, je fais des grosses bêtises. Euh ! Monsieur, j’attire les taupes,
les champignons allergènes et les bêtises»
-« Ttttttttttt…que me racontes-tu là ? Avec ton carnet et tes
crayons, tu répands la bonne humeur autour de toi. Tes croquis sont un délice
pour tous. »
-« Oui, je sais bien, mais je suis si souvent mal dans ma
peau de souris. »
-« Je t’assure que tu as un rubis précieux au front. T’es-tu,
au moins une fois, déjà penchée sur la surface de l’eau d’un ruisseau et
y-as-tu regardé ton reflet ? »
-« Non, j’ai trop peur de m’y trouver moche »
-« Tu as tort ! Allons-y si tu le veux bien ? »
En chemin, le sage de raconter à la souris une histoire
traditionnelle de sagesse:
-« Un prince possédait une pierre précieuse magnifique, dont
il était fier à l'extrême. Elle était PARFAITE. Un jour par accident, ce joyau
fut profondément rayé. Le prince très triste convoqua alors les spécialistes
les plus habiles du royaume, pour remettre en état la pierre précieuse. Mais
malgré tous leurs efforts, ils ne purent effacer la rayure. Le prince songeait
même à se défaire de cette pierre, abîmée donc ratée pour lui. Alors, arriva
dans le pays, un lapidaire, c’était un tailleur de pierre au génie inégalé. Avec
art et patience il tailla dans le diamant une rose magnifique et fut assez
adroit pour faire de l'égratignure, la tige même de la rose; de telle sorte que
la pierre précieuse apparut après, infiniment plus belle qu'elle n'était
auparavant. Quelle beauté que cette pierre! Le prince était fou de bonheur avec
sa rose. »
-« Quelle belle histoire dit la petite souris. Le Lapidaire
serait-il cette force de vie qui en moi ne désarme jamais ? »
-« Bien sûr dit le sage. Regarde aussi autour de toi, tu dois
savoir que sans pourriture, de fumier,
d’humus, de destruction, il n’y aurait ni ces fleurs délicates, ni ces arbres
majestueux. Dans mon pays le lotus est un grand symbole de la vie intérieure
pure et sereine, et pourtant il prend racine dans les eaux troubles. Le lotus
est issu de l’obscurité des eaux marécageuses et qui s’épanouit en pleine
lumière. Ah ! Nous voici arrivés. Comme cette eau est belle …. Penche-toi et regarde-toi.
»
-« Je ne vois rien que le vent qui fait frémir l’eau, le
courant qui l’entraîne, les feuilles tombées qui la surnagent et les poissons
qui la troublent de leur mouvement »
-« Attends, ne sois pas IMPATIENTE, regarde l’eau elle va
s’apaiser d’elle même. Le vent qui se lève va se calmer, la force du courant tu
vas t’y habituer, quant à tous ces petits poissons parasites ils vont filer
vers la mer ….laisse glisser les feuilles et les brindilles ….attends et
regarde. »
-« Euh ! Monsieur mon esprit se calme comme cette eau est en
train de le faire…… OHHHHHHHHHHHHHHH que cette pierre est belle ? C’est à moi,
ça ?
-« Oui, cette pierre est la tienne et regarde comme elle
renvoie la lumière qu’elle reçoit du ciel…
-« Oui, elle éclaire mon reflet dans l’eau …Bonté divine que c’est
beau….
-« Tu es cela, petite souris…Cette lumière…Laisse briller de
ces mille feux ce rubis quoi qu’il t’arrive. Va te ressourcer auprès de lui quand
tu sens tes forces te fuir. Va vers ta lumière. Et sache que pour qu’il y ait
lumière du ciel il doit y avoir aussi l’ombre de la terre. Au revoir, petite souris
au rubis. »
Et le moine s’éloigna d’un pas lent. Notre petite souris
reprit alors, crayons et cahiers et repartît dans l’herbe tendre distribuer
cette ombre et lumière qu’elle sait maintenant en elle. Mais elle eut soin de
marquer d’une belle pierre l’endroit où elle fît la découverte de son rubis, histoire
de retrouver l’endroit le jour où l’ombre reprendra le pas sur la lumière de
son âme.
L'Ange d'Or
La bohémienne sommeillait dans une grotte de la forêt
enchantée, à l’abri de l’orage qui sévissait sur le pays. Quand dans son rêve
elle vit un bel ange d’or lui sourire. Elle ouvrit les yeux, et là une douce lumière
ne lui permit pas de voir tout de suite la forme humaine qui se tenait devant
elle et qui la regardait dormir.
Ses yeux s’habituant à cette luminosité soudaine, elle vit un
ange, un ange d’or. Tout en lui était couleur or : ses cheveux, sa peau, ses
ailes… Mais une de ses ailes semblait cassée, abîmée, elle pendait lamentablement
vers le sol. La bohémienne, surprise, se redressa et s’assit le dos à la paroi.
Quelle tristesse dans le beau regard or de cet ange !
Comment un ange fait pour la sérénité du ciel, pouvait avoir tant
d’ombre dans les yeux ? L’ange s’assit à côté d’elle mais pendant cet effort,
une grimace de douleur se dessina sur son visage. Il souffrait. La bohémienne
se tut par discrétion, et l’ange lui parla de choses et d’autres avec douceur
et gentillesse, comme si de rien n’était. L’errante lui répondit, elle aussi,
avec rires et questionnements mais avec un œil interrogateur. Il était gai ,
répondait et semblait toujours discret mais présent . Seul parfois un rictus de
douleur passait sur son beau visage. L’orage passé, la bohémienne quitta la
grotte, mais tous les soirs elle revenait, fascinée par tant de savoir et de
gentillesse. En écoutant l’ange d’or, un grand calme se répandait dans son corps
et la reposait de la fatigue des chemins.
Il ne quittait jamais sa grotte et il semblait planer sur lui
un mystère. Souvent, la bohémienne essayait de le faire sortir, mais il refusait
obstinément et se reculait craintif au fond de la grotte. Mais un jour à force
de supplications, elle réussit à le faire sortir, il faisait si beau dehors ! Et
là, elle le vit dans la lumière du soleil et non plus dans la lumière de l’ange
qu’il était. Elle comprit alors pourquoi il craignait la lumière de
l’extérieur. Plus d’ange, mais un homme intimidé du regard de la femme posé sur
lui.
Se tenait devant elle un homme, sans ailes, un bel homme mais
pas comme les autres. Ses cheveux étaient blancs, sa peau était blanche, ses
yeux étaient blancs mais tristes aussi, tout en lui n’était que blancheur. Il
était un homme blanc, quand il n’était pas un ange d’or.
Mais le monde des hommes n’est pas blanc.
La bohémienne comprit alors la blessure de l’ange. Comment
vivre dans un monde quand rien en soi ne lui ressemble. La bohémienne doucement
lui posa cette question :
-« Qui rejette qui ? Vous, qui rejetez le monde des hommes ou
le monde des hommes qui vous rejette ? »
Et l’ange eut cette réponse :
-« Moi qui évite de regarder les autres par peur de leur
regards. »
La bohémienne alors sortit un appareil photo de son sac à dos
et le tendit à l’ange.
-« Je vous en prie, prenez-le ! Il vous aidera à poser votre
regard sur le monde, à mieux le voir, prenez-en des instantanés et peu à peu
vous n’aurez plus besoin du viseur de cet appareil pour regarder. Vous pourrez voir
directement ce monde sans crainte. Ce monde où votre différence vous blesse
tant l’ âme.
Et elle continua :
-« Une vieille légende hébraïque dit que nous sommes tous des
anges tombés du ciel mais qu’avant de partir et d’arriver sur cette terre, un
ange nous a imposé l’oubli en posant son doigt sur notre bouche, d’où cette
fossette au dessus de notre lèvre supérieure. L’ange portier a dû vous oublier
car vous n’avez pas cette fossette, ce qui explique votre aspect d’ange d’or
dans la grotte de notre rencontre. Vous n’avez rien oublié du ciel et vous
préféré ce ciel à la terre ».
-« Oui, ce monde me fait peur, je ne me sens pas fait pour
lui. »
-« Ce monde est fait pour nous tous et nous pour lui, encore faut-il
que nous nous respections l’un, l’autre. Vous y trouverez votre place. Je dois partir,
bel ange d’or, car ma place à moi est sur les chemins et les routes de ce pays
enchanté. Au revoir ! »
La bohémienne et l’ange d’or se quittèrent.
Chaque fois que la vagabonde passe devant une grotte, elle y
pénètre. A l’intérieur, elle y trouve toujours de merveilleuses photos du
monde, déposées là à son intention par un ange d’or devenu un homme blanc.
L’oiseau
gris ( Edité)
Il était une fois, dans le pays enchanté, un petit oiseau
tout gris et tout pâle qui rêvait d’avoir les belles couleurs des oiseaux de
paradis. Dans ce pays, grands seigneurs ou petits paysans, tous se plaignaient
à haute voix de leurs malheurs. Notre oiseau gris alors, tout frétillant du
désir de leur faire du bien, se perchait au-dessus du plaignant et chantait de
toutes ses forces :
-« Cui-Cui, comme lui avait appris sa mère qui le tenait
elle-même de sa mère…Ou alors :
Cuo-Cuo, comme lui avait son père qui le tenait lui-même de son père…Ou
encore : Cua-Cua, comme lui avait appris sa tante qui le tenait elle- même
de sa tante…Ou enfin ; Cué-Cué, comme lui avait appris son oncle qui le
tenait lui-même de son oncle…
Les gens du pays connaissaient bien cet oiseau et ils lui
souriaient gentiment en lui disant : « Merci », mais entre-eux,
ils l’avaient surnommé l’oiseau : « Copier-Coller ».Ils savaient d’avance ce que l’oiseau tout gris
et tout pâle allait leur dire, mais ils ne voulaient pas lui faire de la peine.
Sauf qu’un jour, une petite fille qui avait le cœur gros de pleurs, osa lui
dire, furieuse :
-« Ta chanson, je la connais déjà ; change de
refrain, c’est agaçant à la fin !
Le petit oiseau tout gris et tout pâle fut atterré, lui qui
croyait faire du bien aux gens en leur apportant la bonne parole apprise de ses
ancêtres. Il en fut si triste que ses plumes devinrent encore plus grises
et plus ternes. Ses petites pattes
ne pouvaient plus décoller du rocher où
il était posé. Plus un son ne sortit de sa gorge douloureuse, contractée par sa
peine. Il aurait mourir, là, sur cette pierre, le petit oiseau tout gris qui
pensait que jamais il ne deviendrait un oiseau de toutes les couleurs. Il se
recroquevilla sur lui-même, sa petite tête sous son aile, et attendît la mort…
Chanter était son seul plaisir, mais si personne n’aimait ses chants alors sa
vie ne valait plus rien.
Tout à coup, il « entendit » parler la pierre. Les
mots du rocher lui traversaient son petit crâne et se mélangeaient aux pauvres
mots de l’oiseau…Puis il sentit le vent fureter dans ses plumes et lui parler.
Les mots du vent l’ébouriffaient et se mêlaient à ses mots d’oiseau-pierre. Il
perçut ensuite une douce caresse le long de son corps ; c’étaient les
herbes qui le massaient et lui parlaient et leurs mots se glissaient avec volupté
dans les mots de l’oiseau-pierre-vent. Ensuite, il sentit des gouttes d’eau
plisser sur son corps, il les laissa faire et il entendit les mots de la pluie
qui se frayaient un chemin vers son cœur d’oiseau-pierre-vent-herbe.
Immobile, l’oiseau se sentait vivant.
Quand il entendit
soudain un pleur de jeune garçon…Alors, obéissant à son habitude de toujours,
c'est-à-dire vouloir secourir les gens en détresse, il voleta jusqu’à lui et
ouvrit son bec, mais avant de lancer sa chanson, il resta dans un long silence
et écouta les mots du jeune garçon et les laissa se mêler aux siens…Et
devinez-vous ce qu’il advint ?
Il chanta une chanson toute nouvelle. Une chanson faite de
roc, de vent, d’herbe, d’eau et des pleurs du jeune garçon. Le garçon calmé
regarda l’oiseau étonné et sourit :
-« Quel oiseau es-tu donc ? Ton chant m’a touché le
cœur et tu si beau avec ce plumage aux couleurs du monde. »
Et le jeune garçon partit, réconforté. Etonné, notre oiseau
alla vite au lac se mirer et il vit se refléter un bel oiseau de paradis.
Depuis dans ce pays enchanté, les gens ne l’appellent plus
« Copier-Coller » mais « Créativité » car jamais il ne
chante la même chanson ; Chacun, maintenant, aime à l’écouter, ce bel
oiseaux aux mille et une couleurs du monde.
POSTFACE
Toutes ces situations, tous ces personnages sont vrais !
Je les ai rencontrés sur internet et dans la vie. Dans ma tête de conteuse
leurs difficultés à vivre se sont magiquement transformées en histoires de
sagesse ou tout se résoudrait pour eux.
Hélas, la vie nous est
parfois moins clémente que le conte merveilleux, l’Elfe nous a, un vilain jour,
laissé son arc et ses flèches et nous a quittés volontairement. Ceux qui l’ont
connu ne peuvent oublier ce poète aérien, ce joueur de mots.
J’ai aimé côtoyer ces personnes devenues personnages de
conte.
Je rends hommage à toutes ces belles rencontres, qui m’ont touchée,
au point de les mettre en scène dans divers contes du monde féerique.
Fan (© F.P.)